Bulletin Chiapas Jour au Jour n. 573
CIEPAC, Chiapas, Mexique
(11 janvier 2009)
LE MEXIQUE FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE
Miguel Pickard – 11-janvier-2009 – num.573
CIEPAC, San Cristóbal de Las Casas
En quelques mois, l`économie mondiale est entrée dans un crise profonde
qui, selon certains économistes, durera jusqu`en 2011 voire peut-être
plus. Quelle est l`explication de la débâcle économique et financière
internationale? Un analyste reconnu, le Philippin Walden Bello, l`a
définie de la façon suivante:
Nous sommes en train d`assister à l`intensification de l`une des crises
ou contradictions centrales du capitalisme mondialisé: une crise de
surproduction, également connue comme suraccumulation ou surcapacité.
Comment le capitalisme a-t-il essayé de résoudre la crise de
surproduction? En d`autres mots, le capitalisme a une tendance à générer
une énorme capacité productive qui dépasse la capacité de consommation
de la population, à cause des inégalités sociales qui limitent le
pouvoir d`achat du peuple, réduisant de cette façon la rentabilité. Le
capital a essayé trois voies pour échapper à la problématique de la
surproduction: la restructuration néolibérale, la mondialisation et la
financiarisation.(1)
Pour des raisons que nous n`analyserons pas ici, aucune des voies
mentionnées par Bello n`a fonctionné de façon durable. La conséquence
est que le monde se trouve dans la crise économique la plus forte depuis
la "Grande Dépression" de 1929-1942. Le Mexique sera l`un des pays du
Sud les plus touchés par la crise en raison de sa haute dépendance à
l`économie des États-Unis.
Cette dépendance, plus les importants retards structurels au Mexique de
type économique et social (la pauvreté en général, la mauvaise
répartition de la richesse, le pillage des ressources naturelles, etc.)
montrent que la crise mondiale aura un impact plus fort dans le pays.
Nous présentons ensuite quelques traits de différents aspects de cette
crise économique au Mexique, sans prétendre tous les aborder.
Prix des sources d`énergie
Ces dernières semaines, le prix du pétrole a rapidement baissé dans le
monde à la suite de la réduction de l`activité économique liée à la
crise. Le mélange mexicain est passé de 132 $US en juillet 2008 à 29 $US
à la fin de l`année. Mais au Mexique, les prix du carburant et d`autres
combustibles ont continué d`augmenter durant l`année 2008, propageant
l`inflation et menant les prix des carburants à dépasser leur prix moyen
aux États-Unis. Le gouvernement de Felipe Calderón, sans raisons pour
justifier de plus fortes augmentations alors qu`au niveau mondial le
prix du pétrole baisse, a dû céder la première semaine de janvier 2009
et pendant plusieurs mois il n`appliquera pas de plus fortes
augmentations des carburants. La décision, qui fait partie du deuxième
plan anticrise présenté par Felipe Calderón le 7 janvier 2009, arrête
les augmentations mais ne rembourse pas celles qui ont eu lieu en 2008
et gèle même le prix des carburants bien que le prix du pétrole continue
de baisser au niveau international.
Quant aux autres sources d`énergie, les entreprises électriques du
Mexique ont eu des pratiques prédatrices à la campagne, mais la tendance
s`est récemment étendue et approfondie jusqu`à la ville. Cinq millions
d`utilisateurs de l`entreprise Luz y Fuerza del Centro ont subi des
augmentations allant jusqu`à 200% d`un bimestre à l`autre, en partie à
cause du retrait de subventions au secteur décrété par le Ministère des
Finances.(2) Le plan anticrise ordonne une réduction des tarifs
électriques de 20% pour les industries et les commerces mais il ne
réduit pas, ni même ne gèle, les tarifs pour les particuliers. Une autre
mesure, la réduction de 10% du prix du gaz LP, utilisé dans huit foyers
mexicains sur dix, est moins importante que ce qu`elle semble, car le
gaz LP a subi une augmentation de 7% en 2008.(3)
Perspectives: Les tarifs de l`éclairage pour les particuliers ne sont
pas mentionnés dans le paquet de mesures anticrise et il est probable
qu`ils continueront d`augmenter. Les augmentations de ces tarifs se sont
toujours faits avec un arbitraire désespérant et la tendance ne changera
pas. Le plan anticrise ne dit rien non plus à propos du prix élevé du
diesel, en particulier du diesel marin. Les pêcheurs qui sont
actuellement en grève devront redoubler d`efforts et radicaliser leurs
actions pour parvenir à ce que le prix du carburant cesse d`augmenter.
Inflation
Le résultat de la politique de hausse des prix des combustibles en 2008
est déjà visible: l`inflation provoquée par cette mesure gouvernementale
s`est rapidement transmise à toute l`économie, engendrant le taux
d`inflation le plus élevé en huit ans (6,53%). Beaucoup d`entreprises
ont augmenté les prix de leurs produits avant l`augmentation des prix de
l`essence, du diesel, etc.
L`inflation frappe plus les plus pauvres et a déjà commencé à affaiblir
l`économie populaire. Il y a quelques mois, en raison des hausses qui
ont porté le prix du kilo de tortilla à 10 pesos ou plus, la presse
regorgeait d`histoires sur la "survie populaire" qui comprenait des
mesures comme l`élimination de toute source de protéine animale de
l`alimentation familiale. Selon des chiffres officiels, quarante-cinq
millions de Mexicains vivent dans des conditions de pauvreté et
dépensent entre 70 et 80% de leurs revenus en aliments de base.
Perspectives: Le résultat prévisible de l`inflation: la faim et la
malnutrition s`aggraveront et la tendance s`accentuera durant les
prochaines années. Les plus fortes augmentations de prix provoquées par
l`augmentation des sources d`énergie ont cependant déjà eu lieu en 2008.
Pour cette raison, et à cause du niveau d`activité économique plus
faible qu`il y aura dans le pays à cause de la crise, on peut prévoir
que l`inflation baissera d`intensité en 2009. Ceci toujours avec ses
aléas, la dévaluation du peso signifie par exemple que tout ce que le
pays importera de l`étranger coûtera plus cher en pesos, effet
inflationniste qui se transmettra également à toute l`économie.
Emploi
Le Mexique suit la tendance mondiale dans ce domaine avec de fortes et
préoccupantes baisses d`embauches. Selon la CEPAL (Commission Économique
pour l`Amérique Latine, organisme de l`ONU), le Mexique a besoin de
créer 1,3 millions d`emplois par an pour accueillir les jeunes qui
entrent chaque année sur le marché du travail. Le gouvernement prévoit
que l`économie mexicaine aura "zéro croissance" en 2009, ce qui signifie
non seulement que la création d`emploi sera minime mais aussi qu`il y
aura des milliers de nouveaux chômeurs. Rien que dans l`industrie
automobile, les signes ne sont plus préoccupants mais effrayants(4),
attendu que les "chômages saisonniers" ou les "chômages techniques" ou
la fermeture d`usines d`assemblage qui ont eu lieu ces dernières
semaines ont une répercussion dévastatrice sur beaucoup d`autres usines
qui les fournissent.
Perspectives: Il y aura un chômage croissant au Mexique durant les
prochaines années et la pauvreté en général augmentera. Des millions de
personnes qui étaient "pauvres" passeront à la catégorie de pauvreté
extrême, tendance qui, selon le gouvernement mexicain lui-même, était
déjà en cours depuis 2006 et qui va maintenant s`accélérer. Une étude du
Congrès de l`Union basée sur des chiffres officiels indique que depuis
2006 le nombre de Mexicains dans une situation de pauvreté extrême
("pauvreté alimentaire" selon les termes du gouvernement) est passé de
14,4 millions à 19 millions.(5) Face à ces chiffres, les "25 actions" du
paquet anticrise du gouvernement de Calderón, dont une promet de créer
250000 emplois, sont risibles. Conséquence logique à tout ce qui
précède, il y aura une pression croissante sur les traditionnelles et
presque uniques portes de sortie dont dispose le peuple: l`économie
informelle, l`émigration vers les États-Unis ou d`autres pays et les
activités en marge des lois.
Émigration
Autant le gouvernement que les analystes sont d`accord sur le fait qu`il
n`y aura pas de "retour massif" des émigrants mexicains depuis les
États-Unis. Le sens commun montre qu`ils ont raison: l`économie
nord-américaine a beau être triste, au Mexique les perspectives sont
pires. Un fonctionnaire de la CEPAL nuance cependant ce qui précède: "Je
ne sais pas s`ils sont des milliers, des millions ou des dizaines, mais
ils vont revenir et cela représentera une pression extrême sur le marché
du travail".(6)
Perspectives: Les seuls émigrants, quasiment, qui rentreront dans leur
pays seront ceux qui seront expulsés par les autorités nord-américaines.
Il convient de poser des questions sur le traitement que le président
élu Barack Obama accordera au thème de l`immigration, étant donné que
cela a été un des sujets les moins débattus durant la campagne
électorale en 2008. Au milieu d`une récession(7), Obama ne peut faire
semblant d`être moins que "ferme" face à l`immigration de sans-papiers.
Le plus probable est qu`Obama fasse des déclarations convaincantes
contre l`immigration des sans-papiers, mais que dans la pratique il
cesse la répression la plus médiatique, comme les rafles sur les lieux
de travail où se concentre la main d`œuvre sans-papiers. Il est
également probable que la construction du mur à la frontière entre le
Mexique et les États-Unis s`arrête, en raison de l`image de "changement"
qu`Obama a voulu présenter au monde de son gouvernement.
Étant donné les perspectives décourageantes au Mexique et aux
États-Unis, et face à l`aggravation de facteurs structurels qui
provoquent l`émigration de millions de Mexicains, nous pouvons prévoir
que ceux-ci chercheront des destinations alternatives. Certaines sources
suggèrent par exemple que le Canada a été moins touché par la crise que
les États-Unis. Il est probable qu`il y aura plus d`émigrés mexicains
qui commenceront à explorer des pistes dans ce pays ou chercheront du
travail ailleurs, comme en Espagne ou dans d`autres pays d`Europe.
Nous pouvons hasarder que les Mexicains sans-papiers aux États-Unis ne
rentreront pas dans leur pays en nombre important. Mais, indépendamment
de ce que fera Obama, il est probable que la situation économique
déprimante des États-Unis, plus l`hostilité grandissante qui existe à
cause de la dépression économique, décourageront les Mexicains d`émigrer
vers les États-Unis. Le gouvernement des États-Unis dit avoir déjà
détecté un flux moins important de Mexicains vers le pays, "le niveau
d`immigration clandestine le plus bas depuis des décennies".(8) Tous les
indicateurs montrent une aggravation des raisons structurelles derrière
l`émigration, mais des millions de Mexicains n`auront nulle part où
aller. Les Mexicains et les Mexicaines les plus décidés exploreront de
nouvelles destinations ou prendront plus de risques pour arriver aux
États-Unis, mais des centaines de milliers, ou des millions de leurs
compatriotes resteront derrière. L`indignation qui en découle en
poussera certains à chercher de façon organisée des solutions face à la
réalité d`un pays qui n`offre pas de perspectives d`emploi digne ni
d`avenir pour ses jeunes.
Envois
Frappés par l`augmentation du chômage aux États-Unis, les immigrés
envoient moins d`argent à leurs familles au Mexique. Rien qu`entre
juillet et septembre 2008, les envois d`argent des Mexicains à leurs
familles ont chuté de 6,5%.(9)
Perspectives: Des millions de foyers verront leurs revenus diminuer en
raison de la baisse du flux d`envois vers le Mexique. Il y aura plus de
faim et de pauvreté en général. La tendance s`accentuera durant les
prochaines années. Cela contribuera à une augmentation générale de la
pauvreté au Mexique, en particulier à la campagne, où des millions de
personnes dépendent des envois pour survivre à moitié. Il y aura une
plus grande tendance à l`expulsion de familles de la campagne. Le paquet
de mesures anticrise du gouvernement n`offre aucune mesure spécifique
pour pallier à la crise structurelle et de longue haleine à la campagne.
Investissement étranger direct (IED)
La Banque du Mexique a rapporté qu`au troisième trimestre 2008 l`IED a
diminué de moitié par rapport à l`année précédente. L`IED est l`une des
sources de devises les plus importantes pour le Mexique, après la vente
de pétrole et les envois d`argent des Mexicains aux États-Unis.
Perspectives: La diminution de l`IED aura un impact négatif sur la
dynamique générale de l`économie mexicaine. Il y aura moins d`argent en
circulation et, inévitablement, des restrictions sur le budget du
gouvernement à tous les niveaux. Il n`y aura pas d`amélioration dans ce
domaine tant que l`économie mondiale ne donnera pas de signes de
redressement.
Tourisme
Le tourisme au Mexique, un des grands générateurs de ressources pour le
pays, a subi des diminutions depuis trois ans et 2008 n`a pas fait
exception.(10)
Perspectives: La prolongation de la chute du tourisme au Mexique montre
des problèmes structurels d`offre et de sécurité touristique que l`on ne
peut exclusivement attribuer à cette crise. L`impression grandissante
dans le monde entier que le Mexique est un pays secoué par la violence
liée au trafic de drogue a sûrement beaucoup à voir là-dedans. En tout
cas, il est probable que la tendance continuera durant les prochaines
années.
Balance commerciale
En raison principalement de la baisse des achats de produits mexicains
aux États-Unis, le déséquilibre de la balance commerciale mexicaine en
novembre 2008 a été négatif de 2834000000 de dollars, chiffre le plus
élevé depuis 1991.(11) C`est un autre des problèmes structurels
chroniques de l`économie mexicaine, car le pays importe plus qu`il
n`exporte et la tendance s`est accentuée avec la crise mondiale. Pour
comble de malheur, la balance commerciale pétrolière est également
devenue déficitaire ces dernières semaines, ce qui veut dire que le pays
dépense plus en produits pétroliers importés (carburants, lubrifiants,
etc.) que ce qu`il exporte.(12)
La dévaluation du peso mexicain en octobre 2008, qui rendait en théorie
plus attirantes les exportations mexicaines, n`a pas contenu le déficit
croissant de la balance commerciale.
Perspectives: Le déficit de la balance commerciale est un autre énorme
"trou" par lequel saignent des milliards de dollars. Étant un problème
structurel dans l`économie mexicaine, il est impossible de prévoir un
redressement (c`est-à-dire que la balance commerciale redevienne
bénéficiaire) à court ou moyen terme.
Le peso, le dollar et l`inévitable dévaluation
Dit simplement, il rentre moins d`argent dans le pays et il en sort
plus. Le Mexique reçoit moins de devises fortes (comprenez de dollars) à
cause de la baisse du prix du pétrole, du tourisme, de l`IED, des
envois, et à cause du déficit croissant de la balance commerciale. En
plus de cela, à cause de la méfiance générale régnante, les entreprises
et les personnes à qui il reste des pesos les échangent contre des
dollars pour ensuite les faire sortir du pays. Au Mexique, la seule
source de devises prospère est le trafic de drogue qui, selon certaines
estimations, canalise vers le Mexique de trente à soixante milliards de
dollars par an.
Plusieurs fois en 2008, le gouvernement mexicain a utilisé 15,5
milliards de dollars de ses réserves en devises fortes pour essayer de
"soutenir" le peso et empêcher qu`il ne soit dévalué. L`opération a
échoué, attendu que le peso a été dévalué de 25% en seulement trois
semaines – entre le 1er et le 24 octobre 2008 – et qu`il continue de
chanceler.
Perspectives: Nous n`avons pas vu la fin des dévaluations du peso. Les
perspectives économiques en général sont décourageantes, les paquets de
"mesures anticrise" qu`a élaborés le gouvernement de Calderón sont de
pauvres rustines qui se traduiront difficilement par des impacts
perceptibles pour la population et l`insécurité qui règne découragera
les investissements, le tourisme et la confiance générale dans le pays.
Résultat: il y aura inévitablement – tant à cause de la réduction
d`entrée de devises que de la constante fuite de capitaux – de futures
dévaluations. Avant 2010, il faudra probablement quinze pesos pour faire
un dollar et vingt pour un euro.
Sauvetage des entreprises
Le gouvernement mexicain a mis des fonds du Trésor Public à la
disposition d`entreprises privées "ayant des problèmes". En novembre
2008, le gouvernement a sauvé l`entreprise mexicaine Vitro, un des plus
grands producteurs de verre au monde, car elle avait des "problèmes de
liquidités", résultat de son endettement en dollars et probablement
parce qu`elle avait spéculé en bourse. Le montant du sauvetage: cent
millions de dollars.
L`énorme corporation du ciment Cemex a une dette de quinze milliards à
cause de l`achat d`une cimenterie australienne. Avec l`effondrement de
la construction dans le monde entier, Cemex vaut beaucoup moins. Pire
encore, sa dette dépasse la valeur de l`entreprise. Comercial Mexicana
est une autre entreprise avec de graves problèmes, avec des passifs
(dette) d`au moins deux milliards de dollars.
Perspective: Le peuple mexicain payera au moins une partie des pots
cassés. En théorie, le "capitalisme sauvage" défendu par le
néolibéralisme dirait qu`il faut simplement laisser des entreprises dans
des situations comme celles de Cemex, Vitro, etc. faire faillite et
disparaître. Mais la réalité ne s`adapte pas à la théorie néolibérale.
Comme le suggère l`économiste Rogelio Ramírez de la O, les grandes
entreprises qui ont soutenu Felipe Calderón pendant sa campagne lui
demanderont que le Trésor Public les "sauve":
L`issue probable est que [le gouvernement mexicain] s`endette pour
soutenir les entreprises et qu`en plus il utilise un montant très
important des réserves internationales de la Banque du Mexique,
peut-être plus de trente milliards de dollars.(13)
Mégaprojets
Certains mégaprojets que le gouvernement mexicain avait envisagé de
construire dépendaient des recettes générées par PEMEX. Calderón s`était
présenté comme "le président de l`emploi" et le promoteur de grands
travaux d`infrastructure, mais c`était à un moment où les prix du
pétrole augmentaient et où les coffres du gouvernement s`emplissaient de
pétrodollars.
La situation s`est inversée en très peu de temps. Le Congrès de l`Union
a dû revoir à la baisse le "prix de référence" du pétrole de 80,30 $US
par baril en moyenne qu`il a utilisé pour calculer le budget pour 2009.
Comme le prix du pétrole est aujourd`hui proche de 30%, il y aura
inévitablement des compressions budgétaires en 2009.
Perspectives: Le Ministère des Finances a déjà fait les premiers
"ajustements" à la baisse et ce sont ceux que l`on attendait d`un
gouvernement néolibéral: dans les dépenses sociales. Dans les prochaines
semaines, il y aura d`autres réductions dans l`éducation, la santé, le
logement, etc., mais il est également probable que certains des
mégaprojets programmés par le gouvernement fédéral et les états seront
suspendus, en attendant de voir comment ils seront financés. La
construction de l`autoroute San Cristóbal-Palenque commencera cette
année au Chiapas, avec un membre du CIPP (Centre Intégralement Planifié
de Palenque), mais à un rythme plus lent que celui espéré, car des
cinq-cents millions de pesos que le gouvernement du Chiapas a demandé
pour les travaux, seuls deux-cents ont été accordés par le Congrès.
Un autre mégaprojet au Chiapas, la construction de Ciudades Rurales
(Villes Rurales), a subi, si ce n`est une stagnation, une lenteur qu`on
ne peut nier dans l`avancée des travaux.
Croissance de l`économie mexicaine en général
L`OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Économique,
dont le Mexique fait partie) prévoit que l`économie de ce pays
augmentera de seulement 0,36% en 2009. Le Ministre des Finances du
Mexique, Agustín Carstens, a été légèrement plus mélancolique en
prévoyant que l`économie du pays aura "zéro croissance" en 2009.(14)
Perspectives: Les prédictions de l`OCDE et de Carstens sont trop
optimistes. Le plus probable est que le Mexique aura une croissance
économique négative (l`importance de l`économie diminuera), car tous les
indicateurs – sauf l`entrée de narcodollars – montrent une grave crise
économique. De plus, le Mexique a une autonomie très limitée pour
renverser la crise (par exemple, il n`a pas à sa disposition les
billions de dollars que possède le gouvernement des États-Unis pour
sauver différents secteurs de son économie).
La rigidité idéologique du gouvernement mexicain, vieux jeu par son côté
néolibéral, au moment où le modèle néolibéral est relégué à la décharge
de l`histoire, est un autre grave problème structurel. Le pays, le
moment et la gravité de la crise demandent des changements profonds et
structurels que ce gouvernement ne fera évidemment pas. Il n`est pas
inutile de penser qu`Andrés Manuel López Obrador, s`il avait été à la
présidence par le droit que lui confère le fait d`avoir gagné les
élections en 2006, ne serait pas non plus à la hauteur du changement
radical dont on a besoin.
Conclusions
Le capitalisme mondial est en crise mais il ne mourra pas sans une
longue et très difficile bataille. À la tête de sa défense se trouvera
Barack Obama, car il n`adoptera pas d`autre posture durant son mandat
que celle du paladin du capitalisme réformé. Il aura recours à des
mesures expansionnistes pour soigner l`économie nord-américaine blessée
(mais pas moribonde), comme l`a fait à son époque Franklin Roosevelt
durant les années 30 et 40, en distribuant des milliards de dollars pour
la création d`emplois.
Face au naufrage du néolibéralisme, Calderón et ses conseillers feront
quelque chose de semblable. La différence est que le Mexique devra faire
appel aux sociétés de crédit internationales pour emprunter les
milliards qu`il faudra aussi investir pour tenter de réanimer l`économie
mexicaine. La dette extérieure du Mexique augmentera rapidement dans les
prochaines années, ce qui renforcera la dépendance du pays à des
facteurs extérieurs.
La question actuelle est dans quoi le gouvernement dépensera-t-il les
millions pour réanimer l`économie. Il existe des études(15) qui
démontrent que la meilleure manière de réanimer une économie en crise
est de canaliser des fonds vers, en premier lieu, les plus nécessiteux
et, ensuite, vers des projets d`infrastructure. Sauver des entreprises,
bien qu`elles soient importantes et emploient des milliers de personnes,
fait peu ou rien pour relever une économie gravement malade comme
l`économie mexicaine.
Bien sûr, il y a d`autres considérations plus importantes que les
citoyens en général devront se poser, comme l`explique Alejandro Nadal:
À quoi sert un paquets d`incitations face à la crise? À revenir où nous
étions? Si c`est cela réponse, nous en avons assez. L`économie mexicaine
est depuis 25 ans dans un état de semi-stagnation. […] Le retard dans
l`éducation, la santé, le logement, la science, la technologie et
l`environnement est colossal. On a sacrifié une génération à cause d`un
modèle économique qui ne fonctionne pas. Même la viabilité de ce pays
est mise en doute. Ce dont on a besoin, ce n`est pas d`un simple "paquet
anticrise". Ce qui est urgent, c`est une transformation profonde de
stratégie et une redéfinition en accord avec les instruments de
politique économique, au niveau macro et sectoriel. Vu comment sont les
choses, le pays ne va nulle part. Enfin, peut-être que si, vers
l`abîme.(16)
Il est certain qu`en ce moment on n`aperçoit pas à l`horizon un acteur
social avec la force suffisante pour rendre réelle cette "transformation
profonde de stratégie" proposée par Nadal. Mais ne pas avoir la force
suffisante aujourd`hui n`est pas la même chose que ne pas être présent.
Au contraire, beaucoup d`acteurs et d`actrices avec différents niveaux
de force sont actifs, s`organisent et font sentir leur présence au
niveau local et régional. Et ils créent des alliances et essayent ce qui
réunit et ce qui sépare. Et en testant leur force à plusieurs reprises
de façon créative et téméraire. Mais cela est déjà le domaine d`un autre
type d`analyse.
Traduit par Michaël Dias
Notes
1. "ABC de la debacle financiera de Wall Street", Enfoque sobre
Comercio, No. 143, septiembre de 2008,
www.redes.org.uy/2008/11/09/enfoque-sobre-comercio-n%c2%ba43-septiembre0
08/
2.
www.jornada.unam.mx/2008/11/04/index.php?section=economia&article=022n1e
co
3. En prenant comme base les prix dans le District Fédéral (Mexico):
de 9,43$MX en janvier 2008 à 10,17$MX en janvier 2009.
4.
www.jornada.unam.mx/2008/12/24/index.php?section=economia&article=022n1e
co
5.
www.jornada.unam.mx/2008/08/31/index.php?section=politica&article=008n1p
ol
6.
www.jornada.unam.mx/2008/11/03/index.php?section=economia&article=022n1e
co
7. Immanuel Wallerstein, principal théoricien de l`analyse
système-monde, indique sans faire de mystères que, plus qu`une
récession, il s`agit d`une dépression, ce qui signifie que la crise
actuelle est très grave, très profonde et durera assez longtemps.
8. Voir "Estados Unidos reforzará su frontera sur para enfrentar la
violencia del narco, La Jornada, 9 janvier 2009,
www.jornada.unam.mx/2009/01/09/index.php?section=politica&article=005n1p
ol
et "U.S. Plans Border ‘Surge’ Against Any Drug Wars", New York
Times, 8 janvier 2009,
www.nytimes.com/2009/01/08/us/08chertoff.html?_r=1&scp=3&sq=Michael%20Ch
ertoff&st=cse
9.
www.jornada.unam.mx/2008/11/26/index.php?section=economia&article=033n2e
co
10. Le ministère du Tourisme a rapporté qu`entre janvier et octobre
2008, 75,5 millions de personnes étrangères sont entrées dans le pays,
contre 85,2 millions durant la même période en 2005.
11.
www.jornada.unam.mx/2008/12/24/index.php?section=economia&article=015n2e
co
12.
www.jornada.unam.mx/2008/12/11/index.php?section=economia&article=028n1e
co
13. Rogelio Ramírez de la O, "¿Hacia un cambio de modelo económico en
México?", Le Monde Diplomatique, édition mexicaine, n° 5, janvier 2009.
14.
www.jornada.unam.mx/2009/01/09/index.php?section=politica&article=014n1p
ol
15. Par exemple, l`étude réalisée par Moody`s Economy, citée par
l`économiste James K. Galbraith:
www.motherjones.com/news/feature/2009/01/stimulus-is-for-suckers.html
16.
www.jornada.unam.mx/2008/12/24/index.php?section=opinion&article=022a1ec
o
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C I E P A C
Le Centre d’Investigations Économiques et Politiques d’Action
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le réseau mexicain contre le Plan Puebla-Panama.
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