Tuxtla Gutiérrez, Chiapas, Mexique, 18 mai 2018
À la société civile du Chiapas et du Mexique
À la société civile et aux organisations de droits humains du Canada
Aux médias
La famille du défenseur Mariano Abarca Roblero et les organisations l’accompagnant vous informons que le 16 mai dernier, nous avons fait appel à la Cour fédérale du Canada afin d’exiger justice suite à la réponse décevante concernant la plainte administrative présentée en février dernier au Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada (CISPC).
Nous avons remis cette plainte au Commissariat, situé à Ottawa, exigeant la mise en place d’une enquête pour les actions et omissions réalisées par le corps diplomatique canadien au Mexique, alors que se déroulait tout un processus de harcèlement et de criminalisation contre Mariano Abarca, qui dans sa lutte contre les impacts socio-environnementaux de l’industrie minière à Chicomuselo, au Chiapas, a été assassiné. En se basant sur l’enquête que nous avons menée, nous dénonçons le fait que l’ambassade canadienne au Mexique ait bafoué la politique canadienne reliée à ses entreprises extractives à l’étranger et à l’identification et l’octroi de soutien aux personnes défenseures des droits humains. Nous considérons que cette omission, parmi d’autres, ont renforcé le risque que courrait Mariano en défendant la vie et les droits humains.
Nous avons remis, au Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, suffisamment d’informations que nous avons recueillies pendant près de 9 ans, autant au Mexique qu’au Canada. Ces informations démontrent que l’ambassade du Canada au Mexique a agit en collusion avec l’entreprise Blackfire Exploration, aux mêmes moments que Mariano se voyait menacé, criminalisé, dénoncé, détenu et emprisonné d’après des accusations portées directement par l’entreprise Blackfire. Malgré le fait que l’ambassade canadienne était amplement informée du conflit avec Blackfire à Chicomuselo et des risques que courrait Mariano, elle est intervenu directement sur des sujets concernant la politique intérieure mexicaine, en utilisant l’influence de la diplomatie canadienne afin de plaider en faveur de l’entreprise devant le gouvernement du Chiapas. Suite à l’assassinat de Mariano, l’ambassade a continué de conseiller l’entreprise, en lui indiquant même comment poursuivre le Mexique en se basant sur les termes de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), suite à la fermeture de la mine pour violations environnementales.
Le Commissaire du CISPC, dans son refus de réaliser une enquête complète comme nous l’avons demandé, déclare que ni la stratégie canadienne autour de ses industries extractives à l’étranger, ni le rôle que les mêmes fonctionnaires disent publiquement avoir rempli lors de conflits entre les entreprises et les communautés, ne représentent « des politiques officielles ». Par conséquent, d’après la perspective du Commissariat, les fonctionnaires publics ne sont pas obligés de les respecter. Cette réponse décevante et naïve de refuser la réalisation d’une enquête, ne fait que perpétuer l’image du gouvernement canadien comme étant complice des violations des droits collectifs et individuels que les entreprises canadiennes et le corps diplomatique du Canada réalisent dans l’ensemble de l’Amérique latine.
Nous continuerons de chercher la vérité et la justice jusqu’à ce que nous arrivions aux auteurs matériels et intellectuels de l’assassinat de Mariano. Ainsi, face à notre notre désaccord avec le Commissariat, nous avons fait appel à la Cour Fédérale du Canada pour présenter une notification d’application pour une révision juridique de la décision du commissaire. Notre action vise également à ce que soient conservées les preuves recueillies jusqu’à maintenant, qui démontrent le rôle de la diplomatie canadienne dans la violation des droits humains de Mariano Abarca Roblero.
Il est important de rappeler le long chemin que nous avons parcouru au Mexique, alors qu’une enquête criminelle est toujours ouverte afin d’arriver à trouver les auteurs matériels et intellectuels de ce crime. En juin 2017, face à l’omission du gouvernement mexicain, nous avons déposé une plainte à la Commission interaméricaine des Droits Humains (CIDH) contre l’État mexicain pour ne pas avoir protégé la vie de Mariano Abarca et pur l’absence de recherche de justice. Nous continuerons donc ainsi, jusqu’à épuiser toutes les instances nécessaires, afin d’obtenir justice et de contribuer au démantèlement du modus opérandi du modèle minier extractif canadien au Mexique et en Amérique latine.
Nous continuerons d’avancer, de dénoncer et d’affronter le manque de volonté politique du gouvernement du Chiapas, de l’État mexicain et du gouvernement du Canada afin de combattre l’impunité et le manque d’obtention de justice au Mexique. Nous continuerons de collaborer et de nous coordonner avec nos allié.e.s au Canada jusqu’à ce que l’État canadien mette fin à sa politique extractive qui extermine les peuples.
Aux entreprises minières : hors de nos territoires du Mexique et d’Amérique latine!
L’industrie minière, ce n’est pas du développement, c’est la mort et la destruction!
Pas un assassinat de plus des personnes défenseures de la terre et de l’eau!
Signataires
Famille Abarca Montejo
Fundación Ambientalista Mariano Abarca (FAMA)
Red Mexicana de Afectados por la Minería (REMA)
Otros Mundos A.C./Amigos de la Tierra México
Centro de Derechos Humanos de la Facultad de Derecho de la Universidad Autónoma de Chiapas (UNACH)
Contact de presse
Libertad Díaz Vera, Otros Mundos A.C./Amigos de a Tierra México: libertaddiaz@otrosmundoschiapa
Jen Moore, MiningWatch Canada: jen@miningwatch.ca
Shin Imai, avocate, membre du Projet Justice et Responsabilité corporative: simai@justice-project.org