Colima. Face au climat de menaces et de risque pour son intégrité personnelle, la coordonnatrice du groupe environnementaliste Bios Iguana AC, Esperanza Salazar Zenil, s’est vue forcée d’émigrer de cette région, sous la protection d’escortes du Mécanisme de protection des personnes défenseurs des droits humains et des journalistes.
Lors des préparatifs pour son départ de la ville, l’activiste a été accompagnée par Jennifer Moore, représentante pour l’Amérique latine de l’organisation canadienne Mining Watch; Miguel Angel Mijangos Leal, de la Red Mexicana de Afectados por la Minería (Réseau d’affectés par l’industrie minière- Rema) et Marco Von Borstel, du Collectif Ollin.
Pendant le travail d’emballage et de déménagement des possessions de Salazar Zenil, ses accompagnant.e.s et elles ont tout de même souffert d’harcèlement de la part d’individus vêtus en civil, ainsi que de la part d’agents du Bureau du procureur général de Justice et de la Police de l’État, selon un rapport présenté par Moore, Mijangos et Von Borstel à Amnistie Internationale Mexique, Brigades de Paix International et Front Line Defenders.
Le document, dont une copie a été remise au journaliste, signale que le harcèlement qui a été vécu lors de cette occasion « confirme une fois de plus » le type de menaces dont souffre Esperanza Salazar de la part du gouvernement de l’État, tout en « confirmant le niveau d’insécurité et de risque dans lequel se trouvait leur compagne ».
Avec plus de deux décennies d’activisme en défense de l’environnement à Colima, Salazar a été, dans les dernières années, une des instigatrices du mouvement contre l’exploitation d’une mine d’or, d’argent, de cuivre et de manganèse dans la communauté autochtone de Zacualpan, dans la municipalité de Comala.
Certaines des luttes antérieures de Bios Iguana étaient reliées à l’opposition à la coupe des mangroves suite à l’agrandissement du Port de Manzanillo et à la défense de la Lagune de Cuyutlan face à la construction de l’usine de regazéification construite lors des six ans de gouvernement de Felipe Calderon, dont les violations à la normativité environnementale sont toujours en dispute dans les tribunaux internationaux suite aux démarches du groupe écologiste.
Depuis la fin de l’année 2013, à la demande des habitants de Zacualpan en désaccord avec le projet minier, les membres de l’organisation défenseure de l’environnement ont offert de l’assistance et de l’accompagnement lors de la première étape de conformation du Consejo Indígena por la Defensa del Territorio de Zacualpan (Conseil autochtone pour la défense du territoire de Zacualpan-CIDTZ). Celui-ci a permis de destituer le Comité exécutif du Commissariat de biens communaux, qui prétendait imposer le projet, et a mené à la déclaration du village comme étant un « territoire interdit à l’industrie minière ».
Cette situation a déclenché une série de menaces et agressions contre les membres du CIDTZ et de Bios Iguana, pour laquelle l’organisation environnementale a responsabilisé les partisans de l’ex-président de Biens communaux, Carlos Guzman; celle qui était alors la déléguée du Bureau du procureur agraire, Maria Elena Diaz Rivera, récemment destituée de son poste, et le gouvernement d’État.
Avant l’exil d’Esperanza Salazar, la majorité des membres de Bios Iguana s’étaient retirés, certains ayant quitté l’État et d’autres ayant cessé de participer au mouvement, après avoir souffert plusieurs incidents qui mettaient en péril leur sécurité et celle de leur famille.
Au cours des derniers mois, face au danger pour l’intégrité personnelle d’Esperanza Salazar, le Mécanisme de protection des personnes défenseurs des droits humains et des journalistes avait installé à son domicile un système de sécurité qui, entre autres, incluait des caméras de vigilance.
Dans le document envoyé aux organismes internationaux, daté du 17 août 2016, Jennifer Moore, Miguel Mijangos et Marco von Borstel ont signalé que la sortie de l’état de Colima de la part de l’activiste avait eu lieu « suite à des situations répétées où son intégrité physique s’est vue mise à risque dû à la violence et aux menaces dont elle a été victime depuis trois ans, alimentées par diverses instances de l’État, las mêmes qui ont été documentées par le Mécanisme de protection des personnes défenseurs des droits humains et des journalistes dont elle a fait partie ».
Les trois accompagnants ont raconté que depuis leur arrivée au domicile d’Esperanza afin de l’accompagner dans son déménagement, le 2 août dernier, ils ont remarqué qu’il y avait des irrégularités dans la maison. Sur une porte intérieure, une planche de bois avait été arrachée, laissant un trou de 40 par 60 centimètres, ce qui met en évidence que le domicile avait été perquisitionné pendant son absence.
Au cours de la journée, les escortes qui accompagnaient les activistes ont remarqué qu’au coin de rue le plus près de la maison d’Esperanza Salazar, un groupe d’hommes vêtus en civil les surveillaient, dont le nombre a augmenté progressivement de deux, à midi, jusqu’à huit, à la tombée du jour.
Suite à ces événements, ils ont décidé de passer la nuit dans un hôtel auquel ils sont arrivés après avoir effectué une série de manœuvres pour tromper les occupants des deux automobiles particulières qui les suivaient, une des deux immatriculées comme FTL 9728. Au cours du même trajet, ils se sont sentis harcelés par la patrouille d’État 1481, qui les a croisés à trois reprises.
Toute la nuit, des escortes sont restées à surveiller à l’entrée de l’hôtel pour éviter tout incident.
Selon le document, lorsqu’ils sont retournés au domicile, le jour suivant, afin de continuer de mettre en boîtes les possessions d’Esperanza Salazar, ils ont été harcelés par des hommes qui les questionnaient sur leur présence sur ces lieux. Après leur avoir demandé qu’ils s’identifient, ils ont déclaré être les agents ministériels Oscar Sanchez Macias et Francisco Javier Sanchez Avalos, qui ont prétendu « être en train de soutenir des touristes ».
Les deux individus avaient discuté préalablement avec le propriétaire d’un magasin de chaussures situé au coin de la rue, dont la famille « a des intérêts liés au projet minier de Zacualpan », signale le rapport.
Pendant qu’ils prenaient des photos de l’automobile des escortes et de la camionnette où allait être transportée la charge, les policiers ont continué de poser des questions sur le nombre de personnes qui voyageraient, s’il y avait des enfants, où ils logeaient, entre autres.
« Alors Miguel (Mijangos) est sorti et les a interpelé en réclamant qu’ils n’avaient aucun mandat qui explique ces supposés travaux de soutien aux touristes, leur disant qu’il était évident que depuis hier, il y avait des personnes qui les harcelaient, et qu’en ce sens, ils n’avaient reçu aucune aide malgré la situation. Un des policiers lui a répondu qu’il devait les respecter, car ils étaient à Colima, ce à quoi Miguel a rétorqué en argumentant que Colima n’était pas un territoire indépendant sinon une partie de la République mexicaine et que la Constitution devait être respectée ».
Vers cinq heures de l’après-midi, ils ont terminé faire les boîtes et alors qu’ils partaient pour sortir de la ville, ils ont été interceptés au coin de la rue par un véhicule blanc et un autre rouge, tous deux conduits par les policiers ministériels avec lesquels ils avaient discuté quelques heures auparavant. Un d’eux a freiné devant Miguel Mijangos et « ils nous ont affronté avec des insultes ».
En plus de la situation antérieure, les activistes ont souligné que toute la protection installée dans la maison d’Esperanza Salazar, qui comptait sur des caméras, des grilles, des serrures de sécurité, fils barbelés et mailles de sécurité périmétrique, présentait des déficiences et des points vulnérables qui ne garantissaient pas la pleine sécurité du site.
« Autant de faiblesses dans le système de sécurité de la maison la rendait inadéquate et vulnérable pour les actions mises en place pour sa protection, car celles-ci doivent être surpassées dans d’autres cas, étant donné qu’en dépend l’intégrité physique des personnes, et elles font parties de la mise en œuvre du mécanisme de sécurité ».
Finalement, les représentants de Mining Watch, Rema et du Collectif Ollin ont exprimé leur préoccupation face au « risque permanent dans lequel se trouvent les autres membres de Bios Iguana A.C. qui se trouvent toujours à Colima, ainsi que les membres du Consejo indigena por la defensa del territorio de Zacualpan, qui continuent d’être agressés par le groupe d’allégeance au PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) qui appuie la compagnie minière ».