12 juin 2019
Lettre ouverte
Le Canada continue de négocier avec le gouvernement d’extrême droite de Bolsonaro au Brésil, dans le cadre des pourparlers sur l’Accord de libre-échange commercial Canada-Mercosur. Le gouvernement Bolsonaro est explicitement antiféministe, antiLGBTQ+, antinoirs, antiautochtones, anti-travailleurs, et anti environnement – l’extrême opposé des valeurs que le gouvernement Trudeau proclame défendre.
Les organisations de travailleurs.euses, les organisations environnementales et de la société civile demandent au gouvernement de cesser les pourparlers et de condamner les positions et politiques nocives du gouvernement Bolsonaro. Nous avons fait part de ces préoccupations dans la lettre qui suit, adressée au début de juin au Premier Ministre Julien Trudeau, à la Ministre des Affaires Étrangères Chrystia Freeland, et au ministre et du Commerce International Jim Carr.
Sujet: Les pourparlers commerciaux avec le gouvernement de Bolsonaro
Nous, les organisations soussignées, voulons profiter de cette occasion pour exprimer nos préoccupations face à l’insistance du gouvernement canadien à vouloir négocier un Accord de libre-échange Canada-Mercosur à la lumière des résultats des élections brésiliennes de 2018.
En 2018, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro a été élu Président du Brésil. Peu de temps après son élection, la Ministre Freeland l’a félicité de sa victoire. Depuis lors, nous avons vu les rencontres se répéter entre la ministre des Affaires Étrangères et le Prédisent du Brésil, incluant les négociations du Mercosur et les rencontres d‘urgence du Groupe de Lima sur le Venezuela.
En tant que réseau constitué de syndicats canadiens, d`organisations environnementales et de groupes de la société civile, nous sommes particulièrement préoccupés par les politiques du gouvernement Bolsonaro de même que par ses positions exprimées en public sur les sujets qui suivent.
Les positions politiques de Bolsonaro auront de graves impacts sur l’environnement et constituent des reculs majeurs pour ce qui est des crises climatiques.
Nous sommes confronté.e.s à l’aggravation constante des impacts sur le climat et la science confirme que nous avons besoin d’une approche transformationnelle pour répondre à la crise climatique, dans une perspective sociale, politique et économique. Le nouveau président du Brésil a diminué les efforts diplomatiques du Brésil sur le climat, il a transféré le contrôle des réserves autochtones à des intérêts agroindustriels et il représente une menace pour le progrès de l’énergie propre ainsi que pour les efforts internationaux contre la déforestation.
Bolsonaro constitue une menace à l’organisation des travailleurs et des travailleuses.
Pendant sa campagne électorale, Bolsonaro a, de façon répétée, proféré des menaces envers les supporteurs du Parti des Travailleurs. Lui-même un ancien militaire, il a fait une référence nostalgique à l’ère de la dictature militaire au Brésil : dans une remarque lors d’une entrevue en 2016, il a déclaré que la plus grande erreur de la dictature dans sa répression des activistes syndicaux et de gauche avait été non pas de les avoir torturé.e.s mais de ne pas les avoir tué.e.s. Durant les 21 ans de dictature militaire au Brésil, des milliers de militant.e.s syndicaux, des communistes, des organisateurs.trices de gauche et des autochtones ont été torturé.e.s. Plus de 8000 autochtones et 430 dissident.e.s politiques ont été assassiné.e.s.
Bolsonaro a aussi déclaré que les travailleuses et travailleurs brésiliens ont un « excès de droits » et qu’il est déterminé à dérèglementer les protections au travail. Il a applaudi les réformes des lois du travail qui érodent les droits historiques pour rendre le Brésil plus « ouvert aux investissements ».
Bolsonaro est explicitement antiféministe, anti-LGBTQ, antinoirs et antiautochtones.
Bolsonaro a utilisé sa position en tant que président pour publiquement répandre un discours haineux envers les groupes vulnérables et marginalisés. Ses déclarations ont déjà causé des impacts matériels. Nous ne répéterons pas ses commentaires franchement misogynes et racistes des quelques dernières années pour ne pas leur donner plus d’attention et d’espace, une simple recherche en ligne peut démontrer les sortes de propos haineux qu’il répand. Cela est dangereux et le Canada devrait condamner explicitement de telles déclarations.
Les positions de Bolsonaro sur l’extraction des ressources naturelles menacent les communautés et les peuples autochtones.
Bolsonaro a exprimé une intention agressive de repousser les frontières extractives au Brésil, les ouvrant ainsi davantage aux investissements étrangers. Depuis les quelques mois qu’il est au pouvoir, il s’est engagé à réviser la réglementation du secteur minier, y inclus de rendre les « permissions et les évaluations moins bureaucratiques et plus rapides » pour les investisseurs potentiels. À la lumière des récents débordements tragiques de Mariana et Brumadinho, nous sommes préoccupé.e.s par le fait que les dérégulations ne feront qu’exacerber les coûts excessifs, humains et environnementaux de l’activité minière au Brésil.
Nous sommes particulièrement préoccupé.e.s étant donné la nature sensible, écologiquement et culturellement, des régions de l’Amazonie où Bolsonaro a juté de rendre l’expansion inévitable. Bolsonaro a déclaré à maintes reprises que les populations autochtones et les quilombos (des communautés afro-brésiliennes qui ont des structures territoriales autonomes) de l’Amazonie doivent céder et cèderont à l’exploitation minière.
Les Brésilien.ne.s craignent que la « position dure adoptée par Bolsonaro en matière de criminalité » ne serve qu’à produire plus de violence et à justifier la répression des groupes progressistes.
Les organisations internationales Amnistie Internationale et Human Rights Watch ont toutes deux produits des rapports qui arrivent à la même conclusion. Les forces de police brésiliennes sont parmi les plus violentes au monde, elles produisent des taux extrêmement hauts de tueries et d’incarcérations. Malgré cela, Bolsonaro affirme que les forces policières sont trop faibles et devraient tuer davantage. Des journalistes craignent que les ONGs et les organisations de droits humains ne deviennent des cibles à cause de l’expansion de la criminalisation de la dissension.
La position de Bolsonaro donne déjà des résultats réels. De plus en plus de défenseur.e.s de la terre et des droits humains ont été tué.e.s au Brésil, plus que dans n‘importe quel autre pays. Un rapport d’Amnistie Internationale suggère même que cette tendance s’aggrave. Des membres d’importantes organisations de travailleurs.euses dans le pays craignent aussi que la répression ne s’étende à leurs activités politiques.
De plus, le gouvernement tente de passer une loi anti-terrorisme qui faciliterait encore plus la criminalisation des protestations.
Le Canada devrait immédiatement cesser les négociations avec le Brésil dans le cadre de Mercosur-Canada
Nous sommes préoccupé.e.s de l’engagement du Canada à maintenir des relations diplomatiques avec le Brésil malgré ce scénario politique. Nous demandons au gouvernement du Canada d’arrêter les négociations Canada-Mercosur FTA avec le Brésil. Signer un traité de Libre Échange avec ce gouvernement d’extrême droite ne fera qu’exacerber les risques que ces ententes présentent pour le peuple et pour l’environnement.
Le Canada ne devrait pas, en toute bonne foi, négocier cet accord pour promouvoir ses intérêts d’affaires à l’extérieur du pays et au pays, considérant ces positions et précédents dangereux. Le Canada a l’obligation morale d’assurer la protection des droits humains et environnementaux, au pays et à l’extérieur du pays.
Nous espérons une réponse de votre part sur ce sujet.
Cordialement,
BC Teachers’ Federation
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Common Frontiers
Le Conseil des Canadiens
MiningWatch Canada
National Union of Public and General Employees (NUPGE)
Alliance de la fonction publique du Canada
Trade Justice Network
Métallos
Source et photo: Trade Justice