L’État colombien a du répondre devant la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme du génocide de milliers de militant.e.s du parti politique Union Patriotique.
La Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, CIDH, a organisé il y a 2 semaines l’audience pour le génocide d’au moins 6 000 membres du Parti de l’Union Patriotique (UP) en Colombie entre les années 1980 et 2000.
Pendant 20 ans, les membres de l’UP ont été victimes d’assassinats, de massacres, de tortures, de disparitions forcées, de menaces, de harcèlement, de déplacements forcés, de montages judiciaires et de tentatives d’homicides, commis par des agents de l’État et des membres de groupes armés illégaux.
La persécution a commencé quelques mois après la création du parti en 1985, suite à un accord de paix signé entre l’ancien président Belisario Betancur et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC-EP). L’État colombien est accusé de violation des droits à la liberté individuelle, aux garanties judiciaires, à la protection judiciaire, aux droits politiques, à la liberté d’expression, à la liberté d’association, et au principe de non-discrimination, entre autres. Il est également accusé d’avoir manqué à son devoir de prévenir, protéger et enquêter sur les crimes commis contre le parti d’opposition.
Plus qu’un parti politique, l’Union Patriotique est né comme un mouvement avec l’intention de consolider, un nouveau pari politique, en se différenciant des forces politiques traditionnelles, qui concrétiserait l’ouverture démocratique, la paix et la justice sociale dans tout le pays.
Ainsi le raconte Aida Avella, survivante du génocide, exilée, actuelle sénatrice et présidente de l’UP. (50 secondes)
« Pour la première fois, un nouveau parti politique se présentait aux élections législatives. Lors de notre participation aux élections pour la présidence de la république, notre candidat était Jaime Pardo Leal. Les parlementaires que nous avons élus ont été assassinés, dès leur entrée en fonction, Leonardo Posada a été assassiné, de même que Pedro Nel Jimenez dans le département du Meta. Par la suite, Pedro Luis Valencia a été assassiné et il a été tué devant ses enfants. »
Pour Jahel Quiroga, victime et militante de l’UP, le manque de volonté de l’Etat colombien dans le processus de justice et de réparation du génocide est évident.
« Nous voulons que les mauvaises intentions de l’État soient exposées. Le fait qu’un génocide de plus de 6000 victimes soit réduit sur le papier à 175, sans aucun fondement judiciaire, est la preuve que l’État persiste à nier la gravité de l’affaire et à se soustraire de sa responsabilité internationale, sous couvert du non-respect continu de ses obligations en matière de vérité et de justice. Nous considérons qu’il est inadmissible que 28 ans après la présentation de la pétition, l’État tente de réduire l’affaire à son expression minimale, alors qu’il a eu connaissance des listes de victimes. »
Pour les victimes, le début de l’audience est un jour très important et historique. Comme l’a déclaré Maria Cepeda, victime du meurtre de son père, le sénateur de l’UP Manuel Cepeda Vargas, en 1994.
« Cette journée est très importante car après 20 ans de lutte de l’Union patriotique pour obtenir la vérité, il est enfin possible de présenter le témoignage vivant de ce qui s’est passé. Il est essentiel de dire que la vérité résulte de la reconnaissance du génocide de l’Union patriotique comme un crime contre l’humanité et un crime d’État. »
Selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme, l’État colombien est responsable de la violation des droits des militant.e.s de l’UP. Par ailleurs, elle recommande le respect de l’accord de paix signé en 2016, en ce qui concerne la garantie de la non-répétition des crimes contre l’UP et la clarification de la vérité, de la coexistence et de la non-répétition.
Ecoutez le podcast Début du procès contre l’État colombien pour l’affaire Union Patriotique du Comité pour les droits humains en Amérique latine
Source photo: Confidencial Colombia