Khady Niang ly*
Ce cas traite de la privation de liberté, des moyens de subsistance et de travail des personnes affectées par le projet Hidroituango. Ceux-ci farouchement opposés au dit projet sont continuellement victimes d’attaques perpétrées avec la complicité des autorités dans la municipalité d’Ituango. L’admission de la collaboration par l’action ou par omission des autorités colombiennes souligne la responsabilité de l’État en ce qui concerne les violations des droits humains commises. Les menaces, les attentats et les souffrances physiques et psychologiques ainsi que la destruction des biens et des moyens de subsistance étaient allés jusqu’à forcer plusieurs familles à fuir leurs foyers.
Ces familles ont vécu de nombreuses violations des droits humains et ont été victimes de diverses privations. Ce méga-projet, dont la construction a commencé officiellement à la fin 2008, avait déjà commencé auparavant faisant fin ainsi des droits humains les plus élémentaires de ces populations. En effet, les promoteurs de Hidroituango au nom du «développement» n’ont même pas jugé nécessaire d’organiser plus de visites pour évaluer l’impact que ce projet pourrait causer sur ce population et ont avancé que ceux-ci ces impacts sont proportionnels à la grandeur des réalisations hydroélectriques.
En 2006, à propos des massacres commis par des paramilitaires dans la municipalité d’Ituango, les violations des droits à la vie, à l’intégrité des personnes, à un procès équitable, à la liberté de mouvement et de résidence, aux garanties judiciaires, à la propriété de biens privés et aux droits des enfants avaient été pris en considération par la Cour Interaméricaine des Droits humains dans le contexte des dispositions contenues dans la Convention américaine des Droits humains. Le Tribunal avait ainsi jugé que l’État de Colombie était responsable de ces violations par omission et collaboration dans les massacres. Il avait été exigé à l’époque que le gouvernement colombien effectue diverses formes de réparations monétaires et non-monétaires, dont l’obligation d’assurer le rapatriement en sécurité et avec dignité de toutes les personnes déplacées qui en manifesteraient le désir. Cela dit, dans la réalité ce jugement n’a pas eu d’application effective durant les années subséquentes.
Le 10 mars 2013, des centaines de familles regroupées au Mouvement Ríos Vivos Antioquia ont décidé de se mobiliser pacifiquement pour la violation de leurs droits au travail, à la libre circulation, un environnement sain, la participation, le logement. De ce fait, durant leur séjour à Medellín, les déplacéEs par le projet Hidroituango depuis le mois mars 2013, ont tenu plusieurs réunions avec les responsables de l’EPM[i] et le gouvernement d’Antioquia, où ils ont largement exposé les réalités et les demandes sans pour autant avoir été en mesure d’avoir une solution précise. Le déplacement de ces populations n’a pas été volontaire. Celui-ci a été l’aboutissement de harcèlements et de menaces subies de la part de la police nationale. Les raisons principales pour lesquelles les habitants d’Ituango se sont déplacés à Medellín ont été: la crainte d’être pris illégalement, la crainte d’être poursuivis pour non-autorisation quant au droit de protestation ou de l’exercice du droit de réunion.
Face à cette situation, les populations affectées par le projet ont déposé le 28 mai 2013 une déclaration faisant état de leurs déplacements massifs par Hidroituango exigeant du gouvernement colombien des mesures afin d’assurer leur intégrité et la restauration de leurs droits.
Cela dit, en septembre 2013, après avoir obtenu du Tribunal Supérieur de Medellín un jugement en leur faveur ordonnant la résolution des demandes effectuées en matière de mesures de protection collective, survient l’assassinat de Nelson Giraldo Posada leader du Mouvement Ríos Vivos. En octobre 2013, un autre leader du mouvement, Genaro Graciano, est victime d’une attaque à son domicile. Malgré ces faits, les déplacéEs organisent leur retour. Ceux-ci, face à la pression économique et le manque de solutions pertinentes des autorités envers eux, ont décidé de retourner à leur territoire. Cependant, le mouvement avait pris le soin d’alerter les organisations de défense des droits humains sur la nécessaire vigilance contre toutes éventuelles menaces. Une crainte qui a été confirmée peu après, notamment avec l’assassinat en novembre 2013 d’un autre membre David Robinson Mazo.
On note ainsi une multiplication de cas de violations au droit à la libre circulation des personnes dans la municipalité d’Ituango de la part de la Police nationale de la Colombie agressant de ce fait les victimes du projet Hidroituango et les leaders du Mouvement Ríos Vivos. Il ressort d’ailleurs des nombreuses communications du mouvement que le 11 janvier 2014 le bus de l’entreprise Coonorte a été arrêté en face du Colisée Jaidukamá de la municipalité d’Ituango par la Police nationale. Ainsi, huit agents ont réalisé une inspection des 28 passagers, ont sollicité les documents d’identité et ont procédé à une vérification basée sur un listing de chacune des personnes avec toutes leurs données personnelles qu’ils avaient réalisées, les ont obligé à réaliser une file et signer la dite liste sous peine de retenir leurs documents d’identité. Les agents de police ont argué que cette procédure était nécessaire pour « avoir un registre de tous les gens qui entrent à Ituango ». Sur le listing il n’y avait aucun logo d’aucune institution. Un des leaders du mouvement Edwin Villegas a même été victime de cette procédure. Le 13 janvier il a présenté une plainte contre la Police Nationale d’Ituango.
Par un communiqué du 17 février 2014, le Mouvement Ríos Vivos a dénoncé également le détournement de la rivière Cauca servant à la fin de la réalisation du projet hydroélectrique au milieu de la militarisation du territoire, la destruction de la nature et mettant en péril la culture canonnière.
Les barrages seront sources d’énergie pour les sociétés minières multinationales qui créent une consommation d’énergie. Seulement, ce projet est synonyme d’un désastre social et environnemental sans précédent. Encore aujourd’hui, des milliers de « réfugiés de l’environnement » inondent les villes au nom de l’énergie, de l’injustice et de l’impunité.
__
(*) Étudiante à l’Université de Sherbrooke, Khady Niang ly est particulièrement intéressée par la défense et la promotion des droits humains. Par son implication dans l’équipe des actions urgentes du CDHAL elle a connu et suit de près la lutte des membres du mouvement Rios Vivos en Colombie.
[i] Entreprise publique en charge du projet Hidroituango