Le 2 juin, 2020
Plus de 300 organisations ont signé une lettre ouverte qui décrit et dénonce les quatre principales façons dont les multinationales minières bénéficient de la pandémie #COVID19, au détriment des personnes et de la planète. #COVID19Mining
L’industrie minière est l’une des industries les plus polluantes, les plus meurtrières et les plus destructrices au monde. Pourtant, à ce jour, les ripostes des sociétés minières à la pandémie de COVID-19 ont été peu examinées en comparaison avec d’autres industries cherchant à tirer profit de cette crise.
Nous, organisations soussignées, condamnons et rejetons les façons dont l’industrie minière et de nombreux gouvernements profitent de la pandémie pour fabriquer de nouvelles opportunités minières et établir une image publique positive, maintenant et pour l’avenir.
Ces actions constituent une menace immédiate pour la santé et la sécurité des communautés et des organisations qui luttent depuis des décennies pour défendre la santé publique et leur environnement contre la destruction et la dévastation de l’extractivisme minier, et pour la sécurité des travailleurs.euses du secteur minier.
Sur la base d’une analyse collective issue de conversations avec les communautés, travailleurs.euses et organisations de la société civile affecté.e.s, nous avons identifié les tendances suivantes qui illustrent cette menace. Un examen de plus de 500 sources médiatiques, communiqués de presse et rapports sur l’exploitation minière dans le cadre de COVID-19 permet d’approfondir ces conclusions.
Un : Les sociétés minières ignorent les menaces réelles de la pandémie et continuent à exploiter par tous les moyens disponibles.
Les sociétés minières et de nombreux gouvernements ont fait pression pour que l’exploitation minière soit classée comme un service essentiel, permettant de poursuivre les opérations malgré des risques importants. Ce faisant, ils sont devenus des vecteurs essentiels de la propagation du virus et font courir de grands risques aux communautés, aux populations rurales et urbaines, et à leur maind’œuvre. Dans de nombreux cas, les communautés autochtones et rurales sont déjà très exposées au virus, en particulier les communautés dont la santé est affectée par la contamination générée par l’extraction minière. Elles luttent pour se protéger contre d’éventuelles épidémies.
Deux : Les gouvernements du monde entier prennent des mesures extraordinaires pour mettre fin aux protestations légitimes et promouvoir le secteur minier.
Sans surveillance ni contrôle public, les gouvernements ont imposé des restrictions à la liberté d’association et de circulation des personnes afin de protéger la santé publique. Cependant, ces mesures sévères et même militarisées compromettent la capacité des gens à défendre leur territoire et leur vie. Les défenseur.e.s des terres sont davantage exposé.e.s à des violences ciblées et certain.e.s restent injustement emprisonné.e.s, ce qui représente un risque supplémentaire d’infection. Les gouvernements ont également déployé des forces d’État (militaires et policières) pour réprimer les protestations légitimes et sûres, en particulier dans les cas où il existe une opposition de longue date aux activités d’une société. Dans certains cas, il s’agit de la mise en œuvre de règlements ou d’obstacles à l’accès au système judiciaire qui renforcent l’impunité, ainsi que d’une présence militaire et policière accrue dans ces territoires. En attendant, les sociétés minières sont autorisées à poursuivre leurs activités sur ces mêmes territoires ou continuent simplement à le faire malgré les restrictions. Ces actions et d’autres encore profitent cyniquement et injustement au secteur minier extractif.
Trois : Les sociétés minières saisissent la pandémie comme une occasion de blanchir leurs sales antécédents et de se présenter comme des sauveurs soucieux du public.
À une époque où des pays entiers se battent pour obtenir le strict minimum de kits d’essai nécessaires, les sociétés se vantent des millions de kits d’essai de source privée qu’elles ont fournis aux communautés et aux travailleurs.euses touché.e.s. C’est une bien triste manière de masquer les effets à long terme sur la santé qui résultent régulièrement des activités minières et des opérations sournoises de ces mêmes sociétés. C’est aussi un affront au bien public et aux efforts collectifs de nombreux États et communautés pour garantir l’accès du public aux tests, mettant en évidence les asymétries de pouvoir flagrantes entre les multinationales et les pays du Sud Global. Dans certains cas, les sociétés distribuent directement de la nourriture aux populations, créant ainsi une division sociale et sapant la résistance pacifique alors que les gens sont incapables de se mobiliser dans le contexte de la pandémie.
Certaines sociétés minières ont mis en place des fonds d’assistance ou fait des dons importants aux ministères de l’État. Ces « dons » directs en espèces sont non seulement loin d’être proportionnels aux impacts réels de leurs activités, mais représentent aussi un risque de corruption. Cela est déjà évident lorsque nous voyons des gouvernements prêts à affaiblir les mesures d’urgence, à ne pas appliquer celles qui sont en place ou à en exclure totalement l’industrie minière.
Quatre : Les sociétés minières et les gouvernements se servent de la crise pour obtenir un changement de réglementation qui favorise l’industrie au détriment des personnes et de la planète.
Alors que les sociétés minières considèrent l’exploitation minière comme essentielle à l’heure actuelle et pour la reprise économique mondiale post-COVID-19, elles font pression pour accélérer les décisions administratives et affaiblir les mesures existantes déjà limitées qui visent les impacts sociaux, culturels, environnementaux et économiques de leur exploitation qui sont presque toujours supportés par les communautés affectées en toute impunité. Que ce soit explicitement, en suspendant le peu de surveillance et d’application de la législation environnementale qui existait, ou implicitement, en rendant plus difficile pour les communautés touchées d’obtenir des informations et d’intervenir dans les processus d’autorisation, les gouvernements font des concessions importantes à l’industrie minière. Ceci amène les sociétés à faire pression sur les gouvernements pour que cette déréglementation devienne permanente.
Dans le même temps, les sociétés ont davantage recours au Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) qui est intégré dans des milliers d’accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux, pour poursuivre les gouvernements, en particulier ceux dans le Sud Global. Elles continuent d’intenter ou de menacer d’intenter des procès à hauteur de centaines de millions, voire de milliards de dollars, pour des décisions prises par des gouvernements, des tribunaux et même des organismes de défense des droits humains, sapant ainsi la souveraineté nationale à prendre des décisions pour protéger la santé publique et attaquant l’autodétermination des gens qui luttent pour protéger leur bien-être contre les projets d’extraction. Les actions en justice en cours connues, et pour lesquelles des informations sont disponibles, totalisent actuellement 45,5 milliards de dollars US, le total réel pouvant être beaucoup plus élevé. D’autres menaces sont à craindre en réponse aux mesures prises pendant la pandémie.
Nous condamnons ces ripostes à la pandémie COVID-19 comme des actes d’agression qui exacerbent les menaces et les risques auxquels sont confrontés quotidiennement les communautés touchées, les peuples autochtones, les défenseur.e.s des terres et les travailleurs.euses du secteur minier.
Nous rejetons l’affirmation centrale selon laquelle l’exploitation minière est un service essentiel, que ce soit maintenant ou pendant la période de reprise économique. Dans le contexte d’une crise mondiale à la fois sanitaire, économique, écologique et climatique, nous affirmons que la santé des communautés, des peuples autochtones, des travailleurs.euses et des mouvements sociaux est essentielle et non les profits des sociétés minières prédatrices.
Nous appelons les gouvernements nationaux à respecter et à soutenir les processus autonomes de mobilisation et d’autodétermination des communautés affectées par les mines et des peuples autochtones. Leurs efforts sont essentiels à la protection de la santé de la communauté et de l’environnement, éclairés par leurs propres connaissances et traditions, et à la souveraineté alimentaire des populations rurales et urbaines par le biais de l’agriculture à petite échelle et d’autres activités productives. La « réactivation » économique ne doit pas promouvoir davantage l’exploitation minière, mais doit au contraire reconnaître et soutenir les initiatives communautaires.
Nous appelons les organismes internationaux de défense des droits humains à être très attentifs et à condamner activement les violations des droits humains commises par les gouvernements et les sociétés minières pendant la pandémie et la période de reprise qui suivra.
Nous sommes solidaires des communautés de première ligne, des peuples autochtones et des travailleurs.euses les plus touché.e.s par la crise COVID-19 et la riposte de l’industrie minière. Nous exhortons les autres organisations à soutenir leurs campagnes indispensables pour le bien-être collectif et la justice.
Liste des organisations et des personnes qui ont signé la déclaration.
La lettre ouverte est accompagnée du rapport « Voix du territoire: comment l’industrie minière profite de la pandémie de COVID-19 », disponible en anglais, espagnol et portug
Photo : Noalamina.org