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Un centre communautaire appelle à une grève générale des immigrants

Publié par Sarah R. Champagne, Le Devoir, le 12 novembre 2024

Les plus récentes restrictions en immigration temporaire et permanente ne servent qu’à des fins électorales et vont créer plus de précarité, croit le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI). L’association appelle tous les immigrants, peu importe leur situation, à ne pas rentrer au travail le 18 décembre prochain pour dénoncer « l’hypocrisie » du gouvernement et réclamer un statut permanent, ont indiqué des organisateurs communautaires en conférence de presse mardi matin.

Les deux ordres de gouvernement ont annoncé dans les derniers mois plusieurs resserrements aux programmes, tant d’immigration temporaire que d’immigration permanente. Il y a notamment un quasi-gel de l’immigration économique au Québec jusqu’en juin prochain, qui touche notamment les étudiants étrangers. Du côté des travailleurs étrangers temporaires, certains ne pourront pas non plus renouveler leur permis de travail, peu importe le nombre d’années qu’ils ont passées au Québec.

Les mesures mises en place « d’une journée à l’autre » sont en train de créer « une grande vague de précarité » qui affectera des milliers de personnes, a affirmé Manuel Salamanca, organisateur communautaire au CTTI. Il dit voir déjà l’impact de ces mesures « abusives et draconiennes », notamment par une augmentation des appels à l’aide.

« Ces mesures [gouvernementales] ne sont pas justifiées par une crise causée par un excès d’immigrants, mais par une crise économique et politique », a affirmé Viviana Medina, elle aussi organisatrice communautaire pour l’association. « On manipule la migration pour créer une main-d’oeuvre vulnérable et jetable, facile à éliminer en période de récession économique », dit celle qui représente aussi l’Alliance internationale des migrants dans l’est du Canada.

Le virage des gouvernements est « complètement agressif contre les personnes migrantes temporaires déjà ici », a dénoncé M. Salamanca.

Le CTTI avait déjà indiqué craindre de voir une nouvelle vague de personnes sans statut à la fin de l’été, mais cette fois, ses porte-parole vont plus loin : ils accusent les gouvernements d’utiliser les immigrants comme boucs émissaires seulement pour redorer leur image. « L’hypocrisie du gouvernement est si grande qu’il y a seulement deux ans, on les appelait essentiels, et ils sont passés à être la source de tous les problèmes de logement et des services », a-t-il dit au micro de l’événement, dans le quartier Côte-des-Neiges.

L’organisation appelle aussi au passage à l’action : « Rien ne bouge sans nous » est le slogan choisi pour une « journée sans migrant·es » le mois prochain.

Les immigrants représentent aujourd’hui plus d’un travailleur sur cinq au Québec, selon Statistique Canada. La population active, c’est-à-dire disponible au marché du travail, augmente aussi principalement grâce à l’immigration, notamment l’immigration temporaire.

Engagement renié

Le CTTI tenait aussi à signaler la « colère » des personnes sans statut devant la promesse rompue du gouvernement fédéral de créer un large programme de régularisation.

En 2021, Justin Trudeau avait en effet donné le mandat au ministre de l’Immigration de « poursuivre l’exploration des moyens de régulariser ». Le 24 octobre dernier, le ministre actuellement titulaire de ce portefeuille, Marc Miller, a confirmé que le projet était bel et bien mort et enterré : « Nous avons indiqué clairement qu’aucun programme général ne serait établi. Il n’y a pas de consensus. » Un tel programme existe à petite échelle en Ontario pour les travailleurs de la construction, mais il ne sera pas élargi.

« Trois ans de promesses et de silence. Nos camarades, nos familles et nos amis continuent de vivre dans la précarité et des conditions indignes seulement parce qu’ils sont sans statut », a ainsi déploré Christelle, membre du Comité des femmes du CTTI. Elle a demandé l’anonymat par crainte de subir un préjudice à cause de sa situation migratoire.

« Nous ne demandons pas des privilèges, mais des droits fondamentaux, comme vivre dignement et sans peur. Nous demandons au gouvernement d’honorer sa promesse », a-t-elle fait valoir.

Source : https://www.ledevoir.com/societe/823532/centre-communautaire-appelle-greve-generale-immigrants