Une compagnie canadienne prévoit construire ce qui sera la plus grande mine d’or à ciel ouvert au Brésil, au cœur même de la forêt tropicale de l’Amazonie, sur les rives du fleuve Xingu. Toutefois, des activistes, plusieurs ONG ainsi que des groupes de défense livrent une bataille pour préserver la terre.
La compagnie Belo Sun Mining Corp., dont le siège social se trouve à Toronto au Canada, est derrière le projet Volta Grande Gold, qui prévoit extraire 600 tonnes d’or sur une période de douze ans. La mine générera une grande quantité de déchets toxiques, correspondant approximativement à la taille du mont du Pain de Sucre (Pan de Azúcar) situé à Río de Janeiro. Une communauté de 300 familles vivant des produits de la terre dans les régions de Vila Surf, Gallo et Ouro Verde seront forcées d’être relocalisée si ce projet minier est mené à terme.
L’entreprise mène des travaux d’exploration sur ce territoire depuis 2008. Au début du mois de février 2017, le Secrétaire d’État de la région touchée (l’État de Pará) a accordé à l’entreprise un permis de construction, mais l’a annulé deux semaines plus tard, et ce, pour une durée de 180 jours, suite à une requête présentée par le défenseur des droits des citoyens (defensor publico) de l’État de Pará.
Dans le jugement rendu à ce sujet, le juge Álvaro José da Silva Souza a affirmé qu’il transférerait le cas au Ministère public fédéral dans le but de mener une enquête afin de déterminer si l’entreprise a commis une occupation illégale lors du processus d’achat des terres publiques fédérales.
Les terres en question font partie d’une région qui fut octroyée aux populations paysannes dans les années quatre-vingt lors de la réforme agraire.
Le jugement affirme également qu’entre le premier permis préliminaire délivré en 2014 et le tout récent permis de construction délivré en février dernier, la compagnie n’a pris aucune mesure afin de reloger de façon digne les personnes affectées par le projet. «Il est complètement irrationnel et injustifiable que, jusqu’à maintenant, les familles aient été abandonnées à leur sort», est-il exprimé dans ledit jugement. Le juge a octroyé un délai de 180 jours à l’entreprise pour présenter un plan de relocalisation des familles affectées et pour garantir à ces dernières le libre accès à la terre durant cette période.
La zone prévu pour l’installation de la mine a été sévèrement affectée par un autre projet de développement, la centrale hydroélectrique Belo Monte, qui est en phase d’essai depuis la fin 2015. Depuis sa construction en 2011, le barrage a réduit de 80% le flux de l’eau sur une portion de 100 km du fleuve Xingu et a entraîné la mort de nombreux poissons, la détérioration de la qualité de l’eau ainsi que des changements drastiques dans le mode de vie des populations autochtones et riveraines.
Le projet minier de Belo Sun est perçu comme une bombe à retardement pour l’environnement, notamment compte tenu de la tragédie de Mariana dans l’État de Minas Gerais. En effet, en novembre 2015, un barrage a explosé dans une mine de Samarco, une entreprise minière appartenant aux compagnies BHP et Vale. Cela a entraîné un déversement de milliards de litres de déchets toxiques dans le fleuve Doce, causant 19 décès et laissant plus de 700 personnes sans foyer.
Une note technique émise par Belo Sun en 2012, abordant les préoccupations soulevées par le projet lors d’une audience publique, a été signée par le même ingénieur qui avait certifié la sécurité de la centrale hydroélectrique Mariana quatre mois avant la tragédie. En novembre 2016, cet ingénieur et 20 autres administrateurs ont été accusés d’homicide.
Consultation des communautés autochtones
Les communautés autochtones directement affectées par le projet n’ont pas été consultées, contrairement à ce qui est prévu par la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), laquelle a pourtant été ratifiée par le Brésil.
Seulement six jours après l’émission du permis de construction début février, la compagnie minière a publié sur son site Internet, en anglais seulement, un plan détaillé des explorations prévues, qui s’étendent sur 120 km le long des rives du fleuve Xingu. Si ces explorations ont lieu, le projet aura un impact direct sur au moins quatre territoires autochtones : Paquiçamba, de la communauté Juruna, Ituna/Itata, où demeurent des populations autochtones isolées, Arara da Volta Grande, de la communauté Arara, et Trincheira Bacajá, de la communauté Xicrin. Pour cette raison, la législation brésilienne affirme que l’octroi de permis dans cette zone devrait se faire au niveau fédéral, et non au niveau régional de l’État de Pará.
Jusqu’à maintenant, aucune consultation n’a été menée auprès des personnes qui seraient affectées si le projet était réalisé. « Tel qu’il est présentement formulé, on dirait qu’il n’y a pas d’Autochtones dans la zone. Pour Belo Sun, personne ne vit là », dénonce Mukuka Xicrin, leader de la communauté Xicrin.
L’octroi du permis de construction a également outrepassé la motion réalisée par l’autorité brésilienne responsable des affaires autochtones (Fondation nationale de l’Indien, Fundación Nacional del Indio, FUNAI), qui réclame une nouvelle analyse d’impact sur la communauté autochtone et qui considère que celle présentée par Belo Sun est insuffisante.
Le défenseur public de União et le Défenseur Public général se sont également réunis autour d’une pétition pour demander le retrait du permis de construction. Le Ministère Public Fédéral, qui avait déjà par le passé présenté deux demandes à l’encontre du projet, a présenté une motion contre le permis de construction auprès du Secrétariat pour l’environnement de Pará.